Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Le fait s’est passé devant moi, aux Champs-Élysées. Le meurtrier s’est enfui et j’ai mis en voiture Mlle  Reboul, dont la blessure était, d’ailleurs, sans gravité, puisqu’elle a pu marcher sans autre aide que mon bras.

M. de Ferney ne répondait pas, mais deux grosses larmes roulaient le long de ses joues.

L’abbé se pencha vers lui.

Le blessé l’écarta doucement et, après un instant de silence, il dit au peintre en lui tendant la main :

— Merci, monsieur ; merci, du fond de mon cœur. Dieu est juste ! Après s’être servi de vous pour me punir, il s’en est servi pour m’aider à réparer. Soyez béni !… Mon pauvre enfant !

Et succombant, à cette émotion qui était au-dessus de ses forces, le malheureux père perdit connaissance.

Épouvantés, le prêtre et M. de Serville allaient appeler au secours lorsque la porte s’ouvrit.

M. Dessart revenait, accompagné du docteur Trousseau.

Ayant appris à l’hôtel que le célèbre praticien était le médecin de M. de Ferney, il était allé le chercher. Le prêtre expliqua à ces messieurs ce qui venait de se passer.

— Je ne saurais vous blâmer, dit M. Dessart, de ce que vous avez fait, car vous apportez à cet infortuné une grande consolation ; mais il ne faudrait pas plus d’une seconde secousse pour l’enlever. Je crains que mon illustre confrère ne soit de mon avis.

La physionomie du savant docteur, qui, pendant que l’abbé Colomb parlait, avait enlevé l’appareil et examiné la blessure, ne disait, en effet, rien de bon.

Comprenant que, si louable que fût le motif qui l’avait amené, il ne pouvait rester plus longtemps dans cette chambre où mourait son adversaire, M. de Serville salua sans oser jeter un dernier regard sur cet homme que la science condamnait.

— Vous vous en allez aussi, demanda-t-il au prêtre, en s’apercevant que celui-ci le suivait.

— Quoique M. de Ferney ne m’en ait pas donné l’ordre, répondit l’abbé, je vais télégraphier au directeur du collège de Douai pour qu’il fasse partir immédiatement Raoul. J’espère que le pauvre enfant arrivera encore à temps pour embrasser son père. Adieu ! monsieur. Que Dieu vous bénisse pour la consolation que vous avez apportée ici.

Et le digne homme se dirigea vers le plus prochain bureau télégraphique, pendant qu’Armand regagnait la rue d’Assas.

À peu près au même instant, une voiture s’arrêtait devant l’hôtel de Reims, où