Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/232

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— Enfin, quelle est cette adresse ?

— Soho lane, no 5, Soho square, épela tant bien que mal Françoise, qui avait pris dans une armoire le livre de l’enfant.

— Fort bien, je ne l’oublierai pas.

— Seulement, là-bas, il ne s’appelle plus Manouret.

— Je le comprends ! Comment se nomme-t-il ?

— Jacques Bertrand.

Jeanne écrivit ces noms et l’adresse sur son carnet ; puis, comprenant qu’il lui fallait bien expliquer sa présence à sa sœur, elle lui dit :

— Quant à moi, je n’ai plus de domicile : mon mari m’a chassée !

— Chassée ! répéta la fille Méral ; à cause de… la disparition de sa fille.

— Pour ce motif et pour un autre encore.

— Est-ce qu’il se doute que la petite ?…

— Non, mais il a appris, je ne sais où ni comment, mon véritable nom et aussi que j’ai été la maîtresse de M. de Serville.

— Qu’a-t-il fait ?

— Il s’est battu avec lui et il est peut-être mort en ce moment.

M. de Serville t’aime toujours, il ne l’abandonnera pas.

— Armand ne m’aime plus, du moins pour l’instant. C’est un enfant qui a peur des remords. D’ailleurs, à moins que M. de Ferney ne meure, il faut que je parte.

— Pourquoi ?

— Parce que mon mari me ferait arrêter comme faussaire. Tu ne te souviens donc plus de l’acte de naissance fabriqué par Pergous, acte de naissance qui m’a permis de me marier sous le nom de Jeanne Reboul.

— C’est vrai ! Que vas-tu devenir ?

— Je vais attendre que tout soit fini à l’hôtel de Rifay. Si mon mari succombe, je resterai à Paris ; s’il vit, je me sauverai.

— Où es-tu allée demeurer ? Je l’offrirais bien une chambre, mais…

— C’est inutile. En sortant de chez M. de Serville je me suis rappelé l’hôtel Molière, où nous avons vu Pergous, et je m’y suis fait conduire. Du reste je ne voudrais pas habiter chez toi, non parce que je craindrais de ne pas m’y trouver assez bien, mais parce que ton établissement doit être fort surveillé. Il faut le quitter toi-même. As-tu de l’argent ?

— Manouret ne m’a rien laissé.