Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/240

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Après cette espèce de sommation, audacieusement signée du nom qu’elle avait souillé, la jeune femme écrivit à sa sœur :


« Envoie le père Jean rue du Cloître, pour qu’il s’informe du jour de l’enterrement de M. de Ferney. Dès qu’il le saura, viens me le dire. Je ne pars pas. »


Ces deux lettres confiées à un commissionnaire, Jeanne attendit, mais peu de temps, pour être fixée à l’égard des obsèques de son mari, car le père Jean n’avait eu qu’à se présenter à l’hôtel de Rifay pour y apprendre que la triste cérémonie devait avoir lieu le jour suivant, à midi.

Quant à la réponse d’Armand, sa sœur ne la lui apporta que le lendemain. Sa lecture lui arracha plus d’un mouvement de colère.


« Madame, lui écrivait M. de Serville, si je réponds à votre lettre, c’est seulement pour bien vous convaincre que tout est fini entre nous, quoi que vous tentiez dans le présent ou dans l’avenir.

« Je n’ai pas à vous reprocher une faute que j’ai partagée, mais ce que je ne vous pardonnerai jamais, c’est d’avoir agi en sorte qu’un honnête homme a pu un instant me croire votre complice, un lâche et un misérable.

« Ce que je n’oublierai pas, c’est la révélation que m’a faite, en me tendant la main, celui dont je suis, grâce à vous, le meurtrier ; c’est l’infamie que vous avez commise en laissant un père accuser son fils d’un crime dont il était innocent.

« Je suis arrivé à temps pour détromper M. de Ferney, pour lui dire qui vous a frappée d’un coup de couteau. Le malheureux père a pu revoir son enfant, l’embrasser et le bénir.

« Dieu veuille que ce soit là votre seul châtiment ! Quant à moi, je ne me souviendrai de vous que pour défendre ceux que vous oseriez attaquer ! »


— L’imbécile ! s’écria la fille Méral en froissant cette lettre avec rage. C’est la guerre alors ! Eh bien ! soit ! monsieur de Serville, nous nous reverrons tôt ou tard, je vous le promets !

— Qu’as-tu donc ? lui demanda Françoise.

— Je n’ai qu’une haine de plus au cœur, répondit Mme  de Ferney d’une voix vibrante. Retourne chez toi : moi, je rentrerai aujourd’hui même dans mon hôtel.

— Tu vas aller à l’hôtel de Rifay ?

— Oui, à l’hôtel de Rifay, chez moi ! Eh ! ne faut-il pas que j’y demeure pour en faire disparaître ce que tu sais ?

— Prends garde, c’est de la folie !

— Ce sont ceux qui s’opposeront à ma volonté, s’il s’en trouve, qui seront fous ! Va-t’en ! j’aurai bientôt du nouveau à te faire savoir.