Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/266

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— Que faudrait-il faire pour que vous m’aimassiez un peu ?

— D’abord, mon cher lord, il faudrait que je vous aimasse beaucoup. Une femme comme moi, — je ne suis plus une jeune fille, — ne subit ni les entraînements de l’orgueil, ni ceux des sens. Ce qu’elle fait est sans excuse ; continuez donc courageusement votre cour, et attendez… sans désespérer.

En disant ces mots, Mme  de Ferney tendit à son adorateur une petite main sur laquelle il imprima ses lèvres en gémissant :

— C’est bien, j’attendrai.

Une quinzaine de jours s’écoulèrent ainsi, et, à chacune de ses visites, lord Rundely devenait plus pressant, car il aimait Jeanne avec passion, lorsqu’il lui dit un soir :

— Vous savez que mes amis commencent à concevoir quelques inquiétudes à mon sujet.

— Oh ! mon Dieu ! et pourquoi ? demanda la jeune femme dans un éclat de rire.

— Parce que, ne me voyant plus au club, ils cherchent où je passe mes soirées.

— Vous n’avez pas fait, quelques confidences à sir William Stanley ?

— Aucune, répondit le maître de Tom en rougissant un peu, car il se souvenait du pari qu’il n’avait gagné encore qu’en partie.

— Oh ! ce n’est pas, reprit Mme  de Ferney, que je tienne à ce que vous fassiez mystère de vos visites chez moi. Rassurez donc vos amis, je ne m’en formaliserai en rien.

— Soyez plus aimable encore ! Permettez-moi de vous présenter quelques-uns d’entre eux. Offrez-nous le thé un de ces soirs.

— Je ne connais pas ces messieurs, même de nom, même de vue, sauf M. Stanley.

— Alors, autorisez-moi à leur offrir le thé ici.

— Ah ! pardon, en France et en Russie, aussi bien qu’en Angleterre, je le crois du moins, on ne reçoit ses amis que chez soi où chez… sa maîtresse, disons le mot.

— Hélas ! pourquoi ce mot n’exprime-t-il pas une vérité qui me rendrait le plus heureux des hommes ! mais, en recevant ainsi mes amis, ils seraient un peu chez moi.

— Comment cela ?

— J’ai acheté cette maison telle qu’elle est. En voici l’acte de vente de John Burly, le tapissier, votre ex-propriétaire, il n’y manque plus que le nom du nouveau possesseur. J’ai voulu qu’il restât en blanc pour que vous puissiez l’écrire vous-même.

En prononçant ces mots d’une voix émue, Morris Rundely tendait à Jeanne un