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On conçoit que la comtesse Iwacheff fit à son amant toutes les promesses qu’il voulut, sans s’inquiéter un instant de savoir si elle pourrait les tenir, et lord Rundely, plein de confiance, la mit lui-même en wagon.

Exact au rendez-vous qui lui avait été donné, Delon reçut Jeanne, le lendemain, à la gare.

— Où en sont ces démolitions ? lui demanda-t-elle, dès qu’elle fut avec lui dans la voiture qui les conduisait à l’hôtel du Louvre.

— Seulement au début, répondit-il ; hier soir on enlevait les fenêtres et les boiseries de la maison.

— Alors tout espoir n’est pas encore perdu ! Je vais vous dire ce que vous avez à faire.

Un quart d’heure après, seule avec lui dans l’appartement qu’elle avait pris, Mme de Ferney lui donnait ses instructions.

Nous savons en quoi elles consistaient.

Il s’agissait pour Justin de se rendre acquéreur des parquets de l’hôtel de Rifay, afin d’en faire l’enlèvement dans des conditions qui lui permettraient d’atteindre son but, c’est-à-dire d’emporter secrètement le lugubre coffret en bois de santal.

Nous savons aussi que Delon arriva trop tard ; ces parquets étaient vendus et le travail de leur déplacement était déjà commencé, dans l’ancienne chambre à coucher de la fille Méral, par le malheureux Dutan.

Nous avons raconté enfin comment, après s’être introduit dans l’hôtel par la porte de l’impasse, un inconnu, qui n’était autre que Justin, avait été surpris par le mari de la pauvre Lucie, au moment où il allait enlever le coffre, et comment Jérôme l’avait assommé d’un coup de pince.

Delon, blessé, fut, on s’en souvient, emmené par Jeanne. Elle le reconduisit chez lui et, lorsqu’elle se fut assurée que sa blessure n’était pas aussi grave qu’on pouvait le craindre, elle ne songea plus qu’à employer tous les moyens pour réparer ce qu’elle appelait cruellement la maladresse de son ancien amant.

C’est alors que Justin, désespéré de son insuccès et des reproches qui lui avaient été adressés, se présenta chez Dutan, obtint de lui d’aller déterrer le coffret dans le jardin de Pergous et tua l’infortuné Jérôme, tout autant par vengeance que pour faire disparaître un témoin qui pouvait devenir dangereux, car Jeanne lui avait dit avec cynisme, avant qu’il partît pour cette horrible expédition :

— Si vous ne réussissez pas cette fois, vous pourrez retourner en Angleterre auprès de lord Rundely ; moi, je n’aurai plus besoin de vous.

Aussi, lorsqu’il ne trouva rien au fond de la fosse, Delon s’enfuit-il fou de rage et de désespoir.

Arrivé à la pointe de l’île de Beauté, il hésita un instant à poursuivre sa route.