Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/316

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— Ah ! diable ! se dit-il, il y a de la femme là-dessous ! Tant pis, car ce sont des ennemis dangereux et roués.

Et comme, sans affectation, il s’était tourné du côté de la porte, il aperçut, collé au guichet, un visage voilé dont les deux grands yeux l’examinaient curieusement.

Puis ce visage fit place à un autre qui éveilla dans son esprit comme un souvenir, et le guichet se referma brusquement.

Des deux femmes qui venaient de se livrer à cette inspection, l’une était encore jeune, belle, élégante, distinguée ; l’autre, plus âgée, haute en couleur, commune, était vêtue avec un luxe de mauvais goût.

— C’est bien lui, dit la seconde ; quoiqu’il ait grossi et vieilli, je l’avais reconnu de suite là-bas, rue du Four.

— Alors tout est pour le mieux, répliqua la jolie inconnue ; il s’agit maintenant de ne pas le lâcher.

Ces deux mots s’adressaient à Delon, qui avait accompagné les deux visiteuses jusqu’au premier étage.

— Ne craignez rien, répondit l’ancien intendant de la Marnière ; il est sous bonne garde ; Pierre suffirait à lui seul.

— Je compte aussi sur vous, Justin, dit-elle en réprimant le mouvement de dégoût que lui avait causé le nom du bossu ; moi, je ne reviendrai que lorsqu’il sera temps. S’il arrivait quelque chose de nouveau, accourez me prévenir. N’oubliez pas non plus les recommandations que je vous ai faites au sujet de nos deux hommes. Adieu et bonne garde ! Ne nous accompagnez pas ; je tiens à ce que personne ne nous voie. Nous retrouverons bien notre chemin.

Après avoir baissé tout à fait son voile, elle fit signe à sa compagne et descendit lestement l’escalier, sans plus longtemps s’inquiéter de Delon, qui la suivait d’un regard étrange, tout à la fois passionné et haineux.

Le soir, à l’heure du dîner, Pierre Méral recommença auprès de l’agent d’affaires son métier de maître d’hôtel, puis quatre grands jours s’écoulèrent ensuite sans qu’il arrivât rien de nouveau dans cette maison isolée, que les agents de Jeanne Reboul avaient transformée en prison pour l’intéressant Pergous.