Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/330

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— En quoi mademoiselle Reboul est-elle pour quelque chose dans mon arrestation arbitraire ?

— Vous allez le savoir.

En disant ces mots, Mme de Ferney s’était assise sur une des deux chaises qui composaient tout le siège de l’appartement, et, du geste, elle avait invité Pergous à l’imiter.

L’ex-avoué obéit machinalement.

Quant à Françoise, elle restait debout, appuyée contre la fenêtre, ses regards fuyant ceux du prisonnier.

— Monsieur, reprit Jeanne, quelle date est-ce aujourd’hui ?

— Quelle date ? demanda l’agent d’affaires stupéfait de cette question. Dame ! autant que je puis compter exactement, si long que le temps m’ait paru ici, nous sommes le 20.

— Oui, c’est aujourd’hui le 20, mais de quel mois, de quelle année ?

— Parbleu ! du mois de novembre 1867.

— C’est bien cela. Or, M. de Ferney est mort le 20 novembre 1857.

— M. de Ferney ?

— M. de Ferney, le père de l’enfant dont le corps a été trouvé sous le parquet de l’hôtel de Rifay, il y a un mois à peu près.

— Eh bien ?

— Vous ne comprenez pas ?

— Non !

— Rien, cependant n’est plus simple. Cet enfant n’a pu être enseveli là qu’après le départ des personnes qui habitaient l’hôtel à cette époque ; donc, il y a eu aujourd’hui, à midi, dix ans au moins que cette inhumation illégale a eu lieu.

— Ou le crime, madame ; car cette petite fille a été mise habillée dans la caisse.

— Vous me prouvez, par ces détails, que vous avez examiné cette caisse avec le plus grand soin ; donc les personnes qui tiennent à ce que rien de tout cela ne soit révélé ont eu raison d’agir à votre égard ainsi qu’elles l’ont fait.

L’ex-avoué se mordit les lèvres : il s’était trahi et reconnaissait, au calme et au ton de son interlocutrice qu’il avait en elle un adversaire redoutable.

Décidé alors, puisqu’il avait démasqué son jeu, à jouer carte sur la table, il reprit franchement :

— C’est possible qu’on ait eu raison de me retenir prisonnier, mais je n’en suis pas moins maître de ce secret et…