Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/333

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Oh ! Il faudra bien que je prenne ma revanche un jour ou l’autre. Oui, certes, nous nous reverrons, mademoiselle Reboul, et vous payerez cher mes services, je vous le jure !

Puis, prenant son chapeau, Pergous se dirigea vers l’escalier, d’où il vit émerger tout à coup la tête grotesque et hideuse de son bourreau.

— Vous pensiez bien, cher monsieur, que je ne vous laisserais pas partir sans vous faire mes adieux, dit le bossu avec son sourire moqueur et en continuant à s’avancer…

Pergous eut un instant la pensée de s’élancer sur le misérable et de l’envoyer rouler jusqu’au rez-de-chaussée, mais il aperçut au moment même son second geôlier qui venait sur les pas de son compagnon. Comprenant alors qu’il ne serait pas le plus fort, il se contenta de répondre :

— Vous feriez mieux de me rendre mes clefs, mon argent et ma montre.

— Je montais justement pour faire nos comptes. Si vous voulez vous donner la peine d’examiner cette petite note, vous verrez que je n’ai pas abusé de votre confiance.

Il avait tiré de sa poche un volumineux cahier, dont la vue seule fit monter le rouge de la colère au front de l’ex-avoué.

— C’est bon, assez de pasquinades ! dit-il, en descendant quelques marches.

— Comme vous voudrez, cher monsieur, comme vous voudrez, fit Méral en rejoignant Manouret au bas de l’escalier. Et moi qui me suis donné tant de peine pour tenir tout cela en règle !

— Mes clefs ?

— Les voici, répondit Pierre, en les lui jetant à la volée.

— Et ma montre ?

— Ah ! votre montre, c’est un souvenir de vous que je garderai éternellement ; je ne pourrais pas m’en séparer ! Non, vrai, ça me serait impossible !

En disant ces mots, il avait pris le bras de Claude et l’avait entraîné dans le jardin, laissant le champ libre au patron de Philidor, qui sortit de cette maison où il venait de passer de si mauvais jours en murmurant :

— Mademoiselle Reboul, tout cela vous sera compté avec intérêts !

Une fois dehors de cette villa maudite, Pergous s’orienta et atteignit rapidement le barrage de l’île.

Là, il trouva un bateau, s’y embarqua et gagna en quelques coups d’avirons Joinville, où il prit le train pour Paris, une heure plus tard.

Nous pensons inutile de dire dans quel état d’esprit il était lorsqu’il entra comme un ouragan dans son bureau. Son arrivée subite fit bondir son premier clerc de joie et de surprise.