que nous serons à Paris, je pourrai me défendre, mais Victoire m’a dit que nous irons à Nogent dès les premiers beaux jours. Là, qui viendra à mon secours ?
— Moi, Marie, moi qui vous aime et vous respecte ; à moins…
Il s’arrêta en rougissant ; il n’osait exprimer sa pensée.
— À moins ? demanda la jeune fille, étonnée de ce silence subit de son défenseur.
— Oh ! non, je n’oserai jamais ! balbutia-t-il.
— Je vous en supplie ; puisque vous avez de l’affection pour moi.
— Ah ! c’est une idée qui m’est venue ; mais elle est folle : vous ne voudriez pas.
— Je ne puis vous comprendre.
— Si vous étiez mariée, vous seriez à l’abri des horribles tentatives de M. Pergous.
— Mariée ! Mais j’ai à peine dix-sept ans, je suis sans famille, car ma pauvre mère ne me reconnaît même pas. Et puis, pour se marier, il faut aimer quelqu’un.
— Et vous n’aimez personne ?
Au ton avec lequel Philidor avait prononcé ces mots, Marie comprit pour la première fois de quelle nature était l’affection de son protecteur, et elle lui dit en baissant la tête :
— Je vous aime bien, vous, mais…
— Mais vous ne voudriez pas de moi pour mari. Je suis trop laid, trop pauvre !
— Oh ! ne dites pas cela, je vous en conjure ! s’écria la jeune fille en pleurant. Mon Dieu, que je suis malheureuse !
Le brave garçon se précipita vers elle et reprit avec une véritable noblesse :
— Pardonnez-moi, Marie, je ne vous parlerai plus de mon amour, dont l’aveu n’a été provoqué que par votre désespoir. Je saurai imposer silence à mon cœur, je resterai votre frère, votre ami le plus dévoué, le plus sincère ; mais jurez-moi que vous ne vous adresserez pas à d’autre qu’à moi pour vous défendre.
— Je vous le jure, répondit-elle, avec un sourire de reconnaissance.
— Par un mot, par un geste, par un regard, tenez-moi au courant de la conduite de M. Pergous envers vous, et, tout aussi bien à Nogent qu’à Paris, Dieu me permettra d’arriver à temps pour me placer entre vous et lui. Est-ce entendu ?
— C’est entendu ; merci !
Et, présentant son front à celui qui ne demandait qu’à se sacrifier, la chaste enfant le contraignit pour ainsi dire à l’embrasser ; puis elle s’enfuit.