Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/385

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impérial, quand j’ai été moi-même arrêté et tenu prisonnier pendant près d’un mois, dans une maison isolée, près de Joinville-le-Pont.

— Arrêté, prisonnier, vous ! Par qui ?

— Par trois hommes qui agissaient pour le compte d’une femme qui avait un intérêt immense à s’assurer de mon silence, qu’elle craignait avec raison de ne pouvoir acheter.

— Le nom de cette femme ?

Mme  de Ferney, la belle-mère de l’enfant assassiné, dont le corps était dans cette boîte. Elle savait, — comment et par qui ? je l’ignore, — que cette pièce à conviction était entre mes mains, et elle m’a fait garder à vue, sous menaces de mort si je cherchais à fuir, jusqu’au jour où la prescription décennale est venue couvrir le crime dont elle est auteur ou complice.

— Vous connaissez alors la date de ce crime et les diverses circonstances au milieu desquelles il a été commis.

— Oui, monsieur.

— Parlez et ne cachez rien ; c’est pour vous le meilleur moyen de mériter quelque indulgence, car vous vous êtes rendu coupable d’un fait que la loi, vous ne l’ignorez pas, punit sévèrement, en recelant, la preuve d’un crime.

Décidé à se tirer d’affaire à tout prix, Pergous raconta ce qu’il savait du drame de l’hôtel de Rifay, et il termina en donnant au magistrat instructeur l’adresse de Jeanne Reboul.

Puis il signa son interrogatoire et réintégra sa cellule, où, tout en maudissant Philidor, il dîna avec un excellent appétit, espérant qu’il en serait quitte pour quelques semaines de prison.

Le lendemain, ainsi que nous l’avons vu, l’ex-comtesse Iwacheff était arrêtée à son tour et, conduite devant le même juge d’instruction, M. Douet-d’Arcq.

Ce magistrat avait eu le matin, au sujet de cette mystérieuse affaire, un long entretien avec le procureur impérial.

Fort ému du bruit qui allait se produire autour du nom de Ferney, qui avait laissé au Palais de si honorables souvenirs, le chef du parquet avait consulté le ministre de la justice, et il avait été décidé que l’instruction serait faite avec une extrême discrétion.

Si la prescription couvrait le crime commis à l’hôtel Rifay, on éviterait de le rappeler, puisque les coupables ne pouvaient être atteints.

Or, une enquête rapide avait prouvé à M. Douet-d’Arcq que tout ce qu’avait dit Pergous était vrai. De plus, dans la perquisition faite au domicile de l’ex-avoué, on avait trouvé un dossier tellement complet, net et précis sur tout ce drame, que l’œuvre du juge instructeur s’était trouvée terminée par avance.

Aussi M. Douet-d’Arcq, en s’adressant à Mme  de Ferney, lui dit-il :