Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/436

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val, et d’un valet de chambre, espèce de vieux serviteur muet dont il avait hérité d’un de ses oncles deux ans auparavant, et qui ne se serait jamais permis, en dehors de ses fonctions, d’adresser la parole à son maître sans que celui-ci l’eût interrogé.

Ce brave homme répondait, c’est bien le cas de le dire, au nom de Kervan. Depuis qu’il avait été témoin des malheurs de M. de Serville, son mutisme avait été en croissant.

Mais revenons à M. de Rennepont et à sa visite inattendue.

Pétrus s’était hâté d’aller au-devant de son vieil ami et, après lui avoir affectueusement serré la main, l’avait conduit jusqu’à un divan sur lequel le général s’était laissé tomber avec une espèce d’accablement, dont son hôte avait été tout surpris.

— Qu’avez-vous donc ? lui demanda-t-il respectueusement, en s’apercevant que son visiteur, le visage appuyé sur ses deux mains, ne paraissait pas décidé à prendre la parole. Vous serait-il arrivé quelque chose de fâcheux ?

— Non ! mon cher Armand, répondit M. de Rennepont en redressant la tête, non, mais les circonstances sont graves et je viens vous demander un service.

— Un service, à moi ! Vous savez bien qu’il vous est rendu d’avance.

— Eh bien ! voici ce dont il s’agit. Je pars dans quarante-huit heures pour Metz, et Dieu seul sait quand je reviendrai, si même je reviendrai jamais.

— Pourquoi de semblables pensées ?

— Oh ! si je n’avais que moi, je ne m’y arrêterais pas un instant, mais je laisse ici Mme de Rennepont, ma femme ou plutôt ma fille bien-aimée ; je la laisse seule, sans conseil, sans défenseur.

— Et moi, général ! se hâta de répondre l’artiste, avec un de ces élans de dévouement et de franchise qui lui étaient familiers lorsqu’il s’agissait de ceux qu’il aimait ; moi ! ne suis-je pas un peu votre fils ? J’ai l’intention de ne pas quitter Paris, et…

— Je n’ai plus rien à vous demander, mon ami, interrompit M. de Rennepont en serrant la main du peintre, vous avez répondu d’avance à la prière que j’allais vous adresser. Vous êtes un digne et brave cœur ; je vous confie Fernande, comme je la confierais à mon frère, si j’en avais un.

Mme de Rennepont peut compter sur mon dévouement absolu. Mon affection pour vous ne me dicterait pas cette conduite que je devrais la tenir par reconnaissance. N’est-ce pas vous qui m’avez sauvé du désespoir ? N’est-ce pas Mme de Rennepont qui m’a consolé ?

— Ce n’est pas tout.

— Quoi donc encore ?

— Nul se sait comment se terminera cette guerre, si brusquement déclarée.