Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/456

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temps d’aller chercher mon sac. Je l’ai laissé dans une auberge, près de la gare de Lyon.

— Alors, cours et reviens vite !

Le vieillard descendit bras dessus bras dessous avec son neveu, et, après l’avoir encore une fois serré sur son cœur, il lui ouvrit la porte en lui recommandant de se hâter.

— Je mets toute voile dehors, répondit Jean-Marie en sautant sur le trottoir. Deux bordées, et j’arrime !

Il se mit à descendre en courant la rue d’Assas, pendant que Kervan le suivait d’un regard attendri.

Mais, arrivé au coin du Luxembourg, le matelot ralentit le pas, et cent mètres plus loin, rue de Vaugirard, apercevant une voiture qui passait, il y bondit comme s’il montait à l’abordage, en criant au cocher stupéfait :

— Aux Batignolles, Grande-Rue, 82, et rondement !

— À la course, mon amiral ? demanda l’automédon, d’un air goguenard.

— Oui, à la course, maquignon, répondit le marin, et bon pourboire en débarquant.

Immédiatement le carrosse numéroté brûla le pavé, et moins d’une demi-heure plus tard, car ce train inaccoutumé s’était assez bien soutenu, il s’arrêtait à l’adresse indiquée, c’est-à-dire devant la boutique de la Fismoise.

Les marchandises les plus disparates s’étalaient toujours à la vitrine du magasin, mais la porte en était fermée.

Le voyageur jeta noblement trois francs sur le siège du cocher et disparut lestement dans l’allée de la maison.

Dix secondes après, il faisait son entrée dans cette salle à manger où nous avons déjà introduit nos lecteurs.

Inutile de dire que la porte de cette pièce ne s’était aussi rapidement ouverte devant lui que parce qu’il y avait frappé un nombre de coups convenu.

— Ah ! c’est toi, mauvais garnement ! dit la marchande à la toilette d’un ton bourru et en refermant soigneusement sa porte.

— Moi-même, excellente tante, répondit avec un respect affecté le neveu de Kervan et de la Fismoise, qui n’était qu’un seul et même personnage, on l’a déjà compris ; et avec de bonnes nouvelles. Bonjour, mon oncle !

Ces derniers mots s’adressaient au forçat Pierre qui, tout en fumant sa pipe dans un coin, le regardait d’un mauvais œil.

Mais afin de savoir pourquoi notre ex-passager du Prince-Impérial se trouvait ainsi transformé de groom en matelot, et comment il osait se représenter devant sa tante après la manière peu délicate dont il avait reconnu son hospitalité, il nous faut revenir sur nos pas être trouver l’intéressant neveu de la brocanteuse au moment