Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/462

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— Vous dites, ma bonne tante ? fit Louis d’un air goguenard en se dégageant des griffes de la brocanteuse.

— Je dis que tu es un misérable et que si tu ne me rends pas tout ce que tu m’as volé, j’appelle un sergent de ville.

— Envoyez-le chercher par mon oncle, ce sera bien plus simple, poursuivit-il, en apercevant la tête de Pierre par l’entrebâillement de la porte du fond, mais en ayant soin de se tenir hors de portée du forçat. Ça va bien, mon oncle ? Vous avez bien dormi ?

Pierre ne répondit pas à cette première question. Au mot « sergent de ville », sa tête avait disparu comme s’il l’eût rentrée dans une carapace.

— Allons, assez de plaisanteries, interrompit Françoise d’un ton plus radouci, car elle se sentait un peu au pouvoir de son neveu. Pourquoi ce déguisement ? Polisson, vaurien !

— Ah ! ma tante, vous devenez gentille, reprit le gavroche ; mais avant de vous expliquer ce que vous appelez mon déguisement, permettez-moi de me justifier et de repousser vos déshonorantes accusations.

— Tu ne m’as peut-être pas volé trois montres, six foulards, cinq chemises, une paire de pistolets…

— Et un cornet acoustique que vous oubliez ! Madame Fismoise, vous ne connaissez pas toutes vos richesses.

— Oui, c’est bien ! Où est tout cela ?

— D’abord, tout cela je ne l’ai pas volé, ma respectable tante. Voici l’histoire : hier soir, pendant que vous receviez mon oncle bien-aimé qui revenait… D’où revenait-il donc ? Enfin, n’importe, je ne suis pas curieux ; vous m’avez laissé dans l’obscurité, j’ai heurté malgré moi certains objets ; oh ! mon Dieu ! bien au hasard ; et ne sachant qu’en faire, je les ai mis dans mes poches, en attendant le moment où il me serait possible de les replacer exactement là d’où je les avais fait tomber ; puis vous êtes entrée brusquement, Mme  Sarah est arrivée, et vous savez que vous m’avez renvoyé vous-même.

— Eh bien ! depuis ce temps-là ?

— Oh ! depuis ce temps-là, ma bonne tante, il s’est passé des choses étranges. Sachant l’intention que vous aviez de me trouver une position et n’ignorant pas la promesse que vous aviez faite à Mlle  Sarah, je suis allé au-devant de vos désirs en me présentant chez elle.

— Toi, polisson !

— Moi-même, mon excellente tante, moi-même. Je suis au mieux maintenant avec cette charmante femme.

— Au mieux avec Mlle  Sarah ! Comment cela ?