Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme attirée par un aimant irrésistible, Fernande rejoignit son ami d’un seul bond, et, poussant un cri de joie :

— Oh ! que c’est beau ! dit-elle, en s’arrêtant toute rougissante devant le tableau. Est-ce bien moi ? Oh non ! je ne suis pas aussi jolie !

— Vous êtes mille fois plus belle encore, répondit-il, en entourant sa taille d’un de ses bras ; mais je n’ai pas pu peindre votre âme.

— Armand ! je vous en prie, fit-elle, en se dégageant doucement de cette étreinte qui l’embrasait. Voulez-vous donc me faire regretter d’avoir eu confiance en vous ?

— Non, non, pardonnez-moi, mais c’est que je vous aime tant !

En prononçant ces mots, M. de Serville s’était reculé de quelques pas, et, après avoir remis le portrait à sa place, il était revenu à la générale et l’avait conduite par la main jusqu’au meuble de Boulle qui était entre les deux fenêtres de sa chambre.

— Tenez, lui dit-il après l’avoir ouvert à l’aide d’une petite clef suspendue à son cou, voici mon autre trésor.

Il avait tiré d’un des tiroirs du meuble une liasse de lettres, non pas pliées, mais ouvertes et réunies comme en un volume dans une large enveloppe de chagrin, afin de pouvoir être lues plus facilement.

— Mes lettres ! murmura-t-elle, sans oser lever les yeux.

— Oui, vos lettres, Fernande, c’est-à-dire une partie de votre âme, un peu de votre cœur. Là, vous me dites que vous m’aimez et vous me permettez de vous dire que je vous aime. Comprenez-vous si j’y tiens et si je puis songer à m’en séparer jamais. Lorsque je ne vous verrai plus, elles seront ma seule joie, jusqu’au moment où, succombant désespéré, je leur donnerai mon dernier soupir.

— Mon ami, s’écria-t-elle, épouvantée par cette exaltation.

Toute frémissante de terreur et d’amour, elle était tombée dans les bras d’Armand ; mais, au contact de ses lèvres sur ses lèvres, au battement de son cœur contre son cœur, elle jeta un tel cri d’angoisse que le peintre revint brusquement à lui-même, ouvrit les bras, et se laissant glisser à ses genoux, lui dit avec un accent de douleur inexprimable :

— Vois si je t’aime !

Elle ne lui répondit qu’en mettant un tendre et long baiser sur son front et elle s’échappa précipitamment de cette chambre, sans jeter un regard en arrière.

Quelques instants plus tard, après avoir pris rendez-vous avec M. de Serville pour partir le lendemain, Mme de Rennepont remontait dans sa voiture et retournait chez elle faire ses préparatifs.

De son poste d’observation, qu’il n’avait pas quitté, Louis entendit alors maître Pétrus dire à son domestique :

— Mon brave Kervan, nous partirons demain. En attendant, ferme bien les