Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/490

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de couteau qui, par ma foi, aurait pu le faire passer immédiatement de vie à trépas. Je suis arrivé à temps.

— On a arrêté l’assassin, au moins ? demanda M. de Fressantel.

— Non, monsieur, il est parvenu à s’enfuir, malgré la blessure qu’il avait reçue lui-même d’un domestique accouru fort à propos au secours de son maître. Mais pardon, mesdames, c’est là un sujet peu gai ; mon malade est sauvé ou à peu près ; parlons d’autre chose.

Et sans paraître remarquer la pâleur de Sarah Bernier, le docteur, avec une facilité d’évolution fort naturelle d’ailleurs chez un médecin, donna à la conversation un tout autre tour.

Les convives de la Louve reprirent aussitôt leur entrain et leur insouciance.

Une grande heure après, tout le monde se levait de table et personne ne se souvenait de l’histoire lugubre qui avait interrompu le souper pendant quelques instants.

Profitant de ce que ses invités passaient dans les salons, la Louve s’approcha de son hôte et lui dit avec une anxiété étrange, une sorte de curiosité farouche :

— Qu’y a-t-il de vrai dans votre récit ?

— Tout, chère madame, répondit l’Américain. C’est M. Armand de Serville qui a été assassiné. Seulement, où sont les lettres ? Je l’ignore, car l’homme ne s’était pas encore introduit dans la maison lorsque le peintre s’est jeté sur lui. Cependant le petit meuble de Boulle a été ouvert. Par qui ?

— Peut-être par un complice ?

— C’est possible !

— Tenez, voici Mme Bernier qui pourrait peut-être nous le dire, puisque c’est elle qui a tout organisé.

Après être parvenue à se débarrasser de Gaston, Sarah s’était hâtée de s’approcher du docteur, dont l’histoire l’avait impressionnée.

Harris lui évita la peine de l’interroger.

— Oui, c’est de M. Armand que j’ai voulu parler, lui dit-il. Diable ! vos hommes n’y ont pas été par quatre chemins ! Deux lignes de plus, et vous étiez complètement vengée.

— Mais je n’ai pas voulu faire tuer M. de Serville, monsieur, je vous le jure, murmura la comédienne toute tremblante. Il était convenu que l’affaire se ferait sans violence. Je n’y comprends rien. On n’a arrêté personne ?

— Personne.

— Je vais retourner chez moi, car si les lettres ont été prises, j’aurai certainement des nouvelles cette nuit.

— Les lettres ont été enlevées, j’en suis certain ; mais gardez-vous de bouger