Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/513

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qui il avait suffi d’avoir connu autrefois Raoul Rigault dans les cafés du quartier Latin pour devenir un personnage influent.

Sarah n’ignorait rien de ce qui se passait, et, en apprenant que Gaston voulait absolument se mettre en route, elle envoya chercher Louis.

Elle ne pouvait prendre aucune décision sans savoir d’abord où en étaient les affaires de son amant.

Le domestique de M. de Fressantel accourut et informa la comédienne que son maître était au mieux de nouveau avec sa tante, et qu’il se proposait lui-même de quitter Paris avec elle le lendemain.

La jeune veuve avait prié son neveu de la conduire en Normandie, où l’une de ses parentes habitait, aux environs de Caen.

Rien n’arrêtant plus l’actrice, elle s’empressa d’écrire à Gaston qu’elle approuvait son plan en tous points, en ajoutant, que, très probablement, ils prendraient tous le même train, ce qui était sans danger, puisque Mme  de Fressantel ne la connaissait pas, même de nom, ou que, dans le cas contraire, elle le retrouverait à Caen, à l’hôtel d’Angleterre.

Puis, cette lettre terminée, elle courut chez la Louve pour lui dire que le jour suivant, à huit heures du matin, elle serait chez elle avec ses bagages.

Pendant ce temps-là, Louis retournait autour du baron et lui remettait la missive de sa maîtresse ; mais, à la stupéfaction de son valet de chambre, qui, cependant, n’était pas facile à émouvoir, Gaston laissa échapper un juron furieux, dès qu’il eut pris connaissance de cette lettre.

— Qu’avez-vous donc, monsieur ? demanda le neveu de la Fismoise avec un sans-gêne dont il avait déjà pris l’habitude.

— J’ai que Sarah veut me rejoindre à Caen, peut-être même partir par le même train que Mme  de Fressantel et moi, et qu’il ne faut pas que cela soit !

— Pourquoi ?

— Parce que sa présence me gênerait. Je préférerais qu’elle restât à Paris. Ma tante peut la remarquer, s’informer et…

— Est-ce que monsieur serait amoureux de Mme  de Fressantel, par hasard ?

— Eh bien ! oui, répondit le baron que la perspicacité de son domestique effrayait parfois, mais qui n’en faisait pas moins son confident, car il sentait qu’il ne pouvait se passer de lui.

— Alors nous sommes perdus ! exclama le gredin, monsieur ne va plus faire que des bêtises !

— Tu es fou !

— Non pas ! Que monsieur aime Mme  de Fressantel, cela se comprend ; mais qu’il pense aussi aux cent mille livres de rente !