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obtenir : être débarrassé de la femme qu’il ne voulait plus comme auxiliaire depuis qu’il aimait Mme de Fressantel.

Car son valet de chambre avait deviné juste.

Lorsque le jeune baron était retourné auprès de sa tante, après cette lettre d’excuses et d’offres de service qu’il lui avait adressée, il avait été touché de sa réception cordiale et franche ainsi que de l’abandon avec lequel elle s’était de nouveau confiée à lui.

C’était maintenant la femme tout aussi bien que sa fortune qu’il convoitait, qu’il voulait posséder, à tout prix.

Précédons maintenant, chez M. de Serville, la lettre de Louis, et faisons un pas en arrière pour dire ce qui s’était passé dans l’hôtel de la rue d’Assas, après cet événement tragique dont il avait été le théâtre, dans la nuit du 17 au 18 mars.

On se souvient que nous avons laissé M. de Serville sur son lit, au moment où le docteur Harris venait de rassurer Mme de Rennepont, et que celle-ci, après avoir reconnu que ses lettres étaient enlevées, n’avait senti diminuer ses terreurs que grâce à la promesse de Marie Dutan de tout faire pour la sauver.

Ce que les deux amies du blessé décidèrent immédiatement, dans leur prévoyante affection, c’est qu’il fallait d’abord cacher à Armand le vol commis chez lui, afin que l’inquiétude ne fût pas un obstacle à sa guérison.

Fernande referma donc avec soin le meuble de Boulle que le neveu de la Fismoise avait si rapidement fouillé, et, pendant que Mlle Dutan retournait à l’ambulance de l’hôtel Bibesco, elle s’installa dans l’atelier, afin d’être là au premier appel.

Mais le docteur ne s’était pas trompé, la victime de Pierre eut une nuit calme. Lorsqu’il revint le lendemain, il trouva son malade en aussi bon état que possible, et il affirma une seconde fois à la femme du général que le peintre serait sur pied dans une huitaine de jours.

Quant au vieux Kervan, bien qu’il fût complètement revenu à lui peu d’instants après le départ du médecin, il n’avait pu se rendre compte de rien.

Le docteur lui ayant affirmé qu’il avait eu une simple faiblesse causée par la fatigue, il l’avait cru ; mais quand il apprit, le matin de cette nuit, que son maître avait failli périr sous le couteau d’un misérable, et que son neveu, à lui, avait disparu, le brave serviteur faillit devenir fou de désespoir.

Il devina qu’il avait été la dupe d’un imposteur, il s’accusa d’avoir ouvert lui-même la porte aux assassins, d’être la cause de tout le mal. Le peintre dut lui répéter vingt fois qu’il ne lui en voulait pas, pour que le vieillard reprît un peu de calme.

Cependant il devint bientôt nécessaire d’avertir Armand de ce qui s’était passé. Sa blessure s’était fermée rapidement ; il allait se lever et s’apercevoir lui-même du vol commis chez lui.

Ce fut Marie Dutan qui se chargea de tout lui dire, et il serait difficile d’exprimer l’effet que cette révélation produisit sur M. de Serville.