Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/541

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Que voulez-vous dire ?

— Rien ! Il faut rejoindre votre mari.

— Y pensez-vous ? Laisser seul M. de Serville !

— Il ne court aucun danger et sera plus calme dès qu’il vous saura partie. D’ailleurs, il est indispensable que vous surveilliez l’entourage de M. de Rennepont pour le cas où on voudrait lui faire parvenir vos lettres. De plus, réfléchissez : que dirait le général s’il ne vous voyait pas arriver ?

— C’est juste ! Mais comment partir ?

— Les femmes et les enfants peuvent encore quitter Paris assez facilement par le chemin de fer du Nord. Vous vous arrêterez à Saint-Denis, d’où vous gagnerez aisément Versailles. Croyez-moi, partez ce soir même ou demain matin. N’ayez sur vous aucun papier portant votre nom ; c’est la seule précaution à prendre.

— Soit ! je partirai demain.

— Encore autre chose ! Je vous ai dit que Mme  Sarah, avant de mourir, avait prononcé certains noms, ces même noms d’ailleurs que murmure la comtesse Iwacheff dans sa folie : « Louis, de Fressantel, le docteur », et plusieurs autres. Ce M. de Fressantel était l’ami de Mme  Bernier ; le connaissez-vous ? C’est un homme de votre monde.

— Non, je ne l’ai jamais vu. C’est peut-être un parent du pauvre général de Fressantel, un des héros de Reichshoffen ; il a été blessé mortellement dans cette terrible journée.

— Il faut cependant que je trouve son adresse.

— La veuve du général de Fressantel doit la connaître, si ce M. de Fressantel que vous cherchez est son parent. Elle est à Paris ; du moins, elle y était encore hier. C’est ce que m’a dit Me Leroux, son notaire, qui est aussi le mien.

— Où demeure-t-elle ?

— Rue de l’Université, 82 ou 84.

— J’y cours. Si M. de Fressantel est son parent, tout espoir n’est peut-être pas perdu. Bon courage ! Je vous verrai ce soir, mais faites tous vos préparatifs pour fuir demain.

Moins d’un quart d’heure plus tard, Mlle  Dutan sonnait à la porte de Mme  de Fressantel dont elle avait facilement trouvé l’hôtel. La jeune veuve était chez elle.

Afin d’être reçue sans difficulté, la jolie comédienne fit passer sa carte sur laquelle elle avait écrit, au-dessous de son nom : « De la part de Mme  la générale de Rennepont. »

Mathilde, qui savait que M. de Rennepont avait été l’ami et le frère d’armes de son mari, s’empressa, en effet, de donner l’ordre d’introduire l’envoyée de la générale, bien qu’elle ne se doutât pas de ce que celle-ci pouvait lui vouloir.