Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/558

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puyé ces explications d’une pièce de dix francs, ce qui représentait le triple de la location ordinaire de ses cabinets, le maître de la maison s’était trouvé fort content et n’en avait pas demandé davantage.

— C’est fait ! dit le brave clerc, en venant retrouver ceux qui l’attendaient.

— Alors, veillez à votre tour, lui répondit Marie, je vais voir cela par moi-même. Il est nécessaire que je me rende bien compte de la disposition des lieux.

Elle disparut à son tour dans l’hôtel, pour en revenir quelques instants après et dire à Louis :

— Maintenant, conduisez-nous.

Cinq minutes plus tard, Marie et Philidor, qui — le neveu de la brocanteuse entre eux deux — étaient arrivés à l’angle de la place des Batignolles, s’arrêtèrent brusquement.

Leur guide venait de leur montrer son oncle Pierre, qui entrait dans la boutique de sa sœur. Grâce à sa phénoménale gibbosité, on aurait pu le reconnaître à plus longue distance.

— Alors, attendons, fit la jeune femme.

Elle se blottit derrière les arbres avec ses compagnons.

Il ne passait personne et le square, mal éclairé par les becs de gaz allumés seulement de loin en loin, était à peu près dans l’obscurité.

Ils étaient là tous trois depuis un quart d’heure à peu près, n’échangeant pas une parole, lorsque Louis dit tout à coup à Marie :

— Tenez, madame, je reconnais mon oncle quoiqu’il ait changé de costume ; mais, prenez garde, Pierre est aussi malin que brutal. Pour le double de ce que vous m’avez promis, je ne voudrais pas qu’il me trouvât avec vous et sût nos conventions.

— Sauvez-vous et allez nous attendre devant l’hôtel où je suis entrée tout à l’heure. J’y retournerai dans un instant. Lorsque j’en sortirai, je vous remettrai vos cinq mille francs.

Sans se le faire répéter une seconde fois, le vaurien se glissa dans l’ombre pour regagner le boulevard extérieur.

— Vous, mon brave Philidor, reprit Mlle  Dutan, courez là-bas ; assurez-vous bien que la porte de communication des deux chambres s’ouvrira aisément et souvenez-vous de tout ce que nous avons décidé. Allez !

Elle avait tendu à son vieil ami une main que celui-ci pressa affectueusement dans les siennes, puis il s’éloigna.

Il était temps, Méral n’était plus qu’à une vingtaine de pas.

Marie s’avança bravement à sa rencontre.

Un instant après, elle était en face de lui.