Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/146

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ont suivi, a posé le germe du cancer qui me dévore.

» Étrange fascination ! l’abîme attire celui qui y fixe ses regards. Malheur à qui s’assied sur le bord de ce fleuve, et se laisse enchaîner par le charme assoupissant de ses gouffres mobiles ! Le fleuve l’entraîne avec lui à la mer. Oh ! qu’il est doux de naufrager dans cette mer !

» Cela peut-il s’appeler mort ou vie, joie ou tristesse, enfer ou paradis ? L’un et l’autre, car, à cette limite, les deux extrémités du cercle se joignent et les oppositions s’effacent. Sitôt que l’homme est arrivé à envisager l’univers des corps et des esprits comme un tout, et lui-même comme un phénomène intégrant dans cet univers, il connaît Dieu, il n’a plus qu’à mourir.