Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/148

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Ainsi donc ma vie se sera écoulée, sans que j’aie goûté la douce ivresse, ni pénétré le suprême mystère. Quelle est donc cette joie étrange, que pressentent ceux qui ne l’ont pas goûtée, et qu’on devine par ses rêves ? Le soir, quand je regagne ma couche froide et solitaire, le sentiment d’un vide infini s’empare de moi, et je maudis la fatalité qui a défleuri mon existence, en rendant impossible la sympathie entre un être simple et moi. Je vois les simples se rapprocher sans vergogne, se sourire et trouver sans peine de douces choses à se dire ; et moi, je tremble devant