Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/138

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tuellement les traductions grecques de la Bible. Mais la première idée chrétienne fut plus large encore : selon cette idée, la parole de Dieu n’a pas de langue propre ; elle est libre, dégagée de toute entrave d’idiome ; elle se livre à tous spontanément et sans interprète. La facilité avec laquelle le christianisme se détacha du dialecte sémitique qu’avait parlé Jésus, la liberté avec laquelle il laissa d’abord chaque peuple se créer sa liturgie et ses versions de la Bible en dialecte national, tenaient à cette espèce d’émancipation des langues. On admettait généralement que le Messie ramènerait toutes les langues comme tous les peuples à l’unité[1]. Le commun usage et la promiscuité des idiomes étaient le premier pas vers cette grande ère d’universelle pacification.

Bientôt, du reste, le don des langues se transforma considérablement et aboutit à des effets plus étranges. L’exaltation des têtes amena l’extase et la prophétie. Dans ces moments d’extase, le fidèle, saisi par l’Esprit, proférait des sons inarticulés et sans suite, qu’on prenait pour des mots en langue étrangère, et qu’on cherchait naïvement à interpréter[2]. D’autres fois, on croyait que l’extatique parlait des langues nouvelles et inconnues jusque-

  1. Testam. des douze patr., Juda, 25.
  2. Act., ii, 4 ; x, 44 et suiv. ; xi, 15 ; xix, 6 ; I Cor., xii-xiv.