Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/189

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juif resté fidèle, et l’humiliation du riche, considéré comme un transfuge, comme un traître passé à la vie profane, à la civilisation du dehors. Jamais haine n’égala celle de ces pauvres de Dieu contre les constructions splendides qui commençaient à couvrir le pays, et contre les ouvrages des Romains[1]. Obligés, pour ne pas mourir de faim, de travailler à ces édifices qui leur paraissaient des monuments d’orgueil et de luxe défendu, ils se croyaient victimes de riches méchants, corrompus, infidèles à la Loi.

On conçoit combien une association de secours mutuels, dans un tel état social, fut accueillie avec empressement. La petite Église chrétienne dut sembler un paradis. Cette famille de frères, simples et unis, attira de toutes parts des affiliés. En retour de ce qu’on apportait, on obtenait un avenir assuré, une confraternité très-douce, et de précieuses espérances. L’habitude générale était de convertir sa fortune en espèces avant d’entrer dans la secte[2]. Cette fortune consistait d’ordinaire en petites propriétés rurales peu productives et d’une exploitation incommode. Il n’y avait qu’avantage, surtout pour des gens non mariés, à échanger ces parcelles de terre contre un placement à fonds perdus dans une société d’assurance, en vue

  1. Voir Vie de Jésus, p. 181 et 211.
  2. Act., ii, 45 ; iv, 34, 37 ; v, 1.