Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/243

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est quelque chose de tout à fait à part. Tel de ces étranges visages, qui excite d’abord le sourire, prend, dès qu’il s’illumine, une sorte d’éclat profond et de majesté.

Le tempérament de Paul n’était pas moins singulier que son extérieur. Sa constitution, évidemment très-résistante, puisqu’elle supporta une vie pleine de fatigues et de souffrances, n’était pas saine. Il fait sans cesse allusion à sa faiblesse corporelle ; il se présente comme un homme qui n’a qu’un souffle, malade, épuisé, et avec cela timide, sans apparence, sans prestige, sans rien de ce qui fait de l’effet, si bien qu’on a eu du mérite à ne pas s’arrêter à de si misérables dehors[1]. Ailleurs, il parle avec mystère d’une épreuve secrète, « d’une pointe enfoncée en sa chair, » qu’il compare à un ange de Satan, occupé à le souffleter, et auquel Dieu a permis de s’attacher à lui pour l’empêcher de s’enorgueillir[2]. Trois fois il a demandé au Seigneur de l’en délivrer ; trois fois le Seigneur lui a répondu : « Ma grâce te suffit. » C’était, apparemment, quelque infirmité ; car l’entendre de l’attrait des voluptés charnelles n’est guère possible, puisque lui-même nous apprend ailleurs

  1. I Cor., ii, 3 ; II Cor., i, 8-9 ; x, 10 ; xi, 30 ; xii, 5, 9-10 ; Gal., iv, 13-14.
  2. II Cor., xii, 7-10.