Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/304

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Sa fausse position, sa roideur, ses prétentions exagérées annulaient une partie de ses qualités. Il se rongeait lui-même, et restait presque inutile. Barnabé sut appliquer à son œuvre véritable cette force qui se consumait en une solitude malsaine et dangereuse. Une seconde fois, il tendit la main à Paul, et amena ce caractère sauvage à la société de frères qu’il voulait fuir. Il alla lui-même à Tarse, le chercha, l’amena à Antioche[1]. Voilà ce que les vieux obstinés de Jérusalem n’auraient jamais su faire. Gagner cette grande âme rétractile, susceptible ; se plier aux faiblesses, aux humeurs d’un homme plein de feu, mais très-personnel ; se faire son inférieur, préparer le champ le plus favorable au déploiement de son activité en s’oubliant soi-même, c’est là certes le comble de ce qu’a jamais pu faire la vertu ; c’est là ce que Barnabé fit pour saint Paul. La plus grande partie de la gloire de ce dernier revient à l’homme modeste qui le devança en toutes choses, s’effaça devant lui, découvrit ce qu’il valait, le mit en lumière, empêcha plus d’une fois ses défauts de tout gâter et les idées étroites des autres de le jeter dans la révolte, prévint le tort irrémédiable que de mesquines personnalités auraient pu faire à l’œuvre de Dieu.

  1. Act., xi, 25.