Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/36

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légende est très-mûre, arrondie en quelque sorte dans toutes ses parties. Tout se passe chez lui avec une mise en scène étrange et un grand déploiement de merveilleux. Il faut se rappeler que l’auteur écrit un demi-siècle après les événements, loin du pays où ils se sont passés, sur des faits qu’il n’a pas vus, que son maître n’a pas vus davantage, d’après des traditions en partie fabuleuses ou transfigurées. Non seulement Luc est d’une autre génération que les premiers fondateurs du christianisme ; mais il est d’un autre monde ; il est helléniste, très-peu juif, presque étranger à Jérusalem et aux secrets de la vie juive ; il n’a pas touché la primitive société chrétienne ; à peine en a-t-il connu les derniers représentants. On sent dans les miracles qu’il raconte plutôt des inventions a priori que des faits transformés ; les miracles de Pierre et ceux de Paul forment deux séries qui se répondent[1]. Ses personnages se ressemblent ; Pierre ne diffère en rien de Paul, ni Paul de Pierre. Les discours qu’il met dans la bouche de ses héros, quoique habilement appropriés aux circonstances, sont tous du même style et appartiennent à l’auteur plutôt qu’à ceux auxquels il les attribue. On y trouve même des

  1. Comparez Act., iii, 2 et suiv. à xiv, 8 et suiv. ; ix, 36 et suiv. à xx, 9 et suiv. ; v, 1 et suiv. à xiii, 9 et suiv. ; v, 15-16 à xix, 12 ; xii, 7 et suiv. à xvi, 26 et suiv. ; x, 44 à xix, 6.