Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le siècle, aversion pour les jeux, les théâtres, les gymnases, les bains[1].

En un mot, les païens étaient le monde ; les chrétiens n’étaient pas du monde. Ils étaient un petit troupeau à part, haï du monde, trouvant le monde mauvais[2], cherchant à « se garder immaculé du monde[3] ». L’idéal du christianisme sera le contraire de celui du mondain[4]. Le parfait chrétien aimera l’abjection ; il aura les vertus du pauvre, du simple, de celui qui ne cherche pas à se faire valoir. Mais il aura les défauts de ses vertus ; il déclarera vaines et frivoles bien des choses qui ne le sont pas ; il rapetissera l’univers ; il sera l’ennemi ou le contempteur de la beauté. Un système où la Vénus de Milo n’est qu’une idole est un système faux ou du moins partiel ; car la beauté vaut presque le bien et le vrai. Une décadence dans l’art est, en tout cas, inévitable avec de pareilles idées. Le chrétien ne tiendra ni à bien bâtir, ni à bien sculpter, ni à bien dessiner ; il est

  1. Tacite, Ann., XV, 44 ; Pline, Epist., X, 97 ; Suétone, Néron, 16 ; Domit., 15 ; le Philopatris, entier ; Rutilius Numatianus, I, 389 et suiv. ; 440 et suiv.
  2. Jean, xv, 17 et suiv. ; xvi, 8 et suiv., 33. xvii, 15 et suiv.
  3. Jac., i, 27.
  4. Je parle ici des tendances essentielles et primitives du christianisme, et non du christianisme complètement transformé, surtout par les jésuites, qu’on prêche de nos jours.