Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/446

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où elles eussent été libres. La Grèce et Rome avaient encore un grand sentiment national. Mais, à Rome, le patriotisme vivait dans l’armée et dans quelques familles ; en Grèce, le christianisme ne fructifie qu’à Corinthe, ville qui, depuis sa destruction par Mummius et sa reconstruction par César, était un ramas de gens de toute sorte. Les vrais pays grecs, alors comme aujourd’hui très-jaloux, très-absorbés par le souvenir de leur passé, se prêtèrent peu à la prédication nouvelle ; ils furent toujours médiocrement chrétiens. Au contraire, ces pays mous, gais, voluptueux, d’Asie, de Syrie, pays de plaisir, de mœurs libres, de laisser aller, habitués à recevoir la vie et le gouvernement d’ailleurs, n’avaient rien à abdiquer en fait de fierté et de traditions. Les plus anciennes métropoles du christianisme, Antioche, Éphèse, Thessalonique, Corinthe, Rome, furent des villes communes, si j’ose le dire, des villes à la façon de la moderne Alexandrie, où affluaient toutes les races, où ce mariage entre l’homme et le sol, qui constitue une nation, était absolument rompu.

L’importance donnée aux questions sociales est toujours à l’inverse des préoccupations politiques. Le socialisme prend le dessus, quand le patriotisme s’affaiblit. Le christianisme fut l’explosion d’idées sociales et religieuses à laquelle il fallait s’attendre dès