Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/77

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lement son parti de la mort, puisque la dissolution du corps en cette hypothèse n’est qu’une délivrance de l’âme, affranchie désormais de liens gênants sans lesquels elle peut exister. Mais cette théorie de l’homme, envisagé comme un composé de deux substances, n’était pas bien claire pour les Juifs. Le règne de Dieu et le règne de l’esprit consistaient pour eux dans une complète transformation du monde et dans l’anéantissement de la mort[1]. Reconnaître que la mort pouvait être victorieuse de Jésus, de celui qui venait supprimer son empire, c’était le comble de l’absurdité. L’idée seule qu’il pût souffrir avait autrefois révolté ses disciples[2]. Ceux-ci n’eurent donc pas de choix entre le désespoir ou une affirmation héroïque. Un homme pénétrant aurait pu annoncer dès le samedi que Jésus revivrait. La petite société chrétienne, ce jour-là, opéra le véritable miracle ; elle ressuscita Jésus en son cœur par l’amour intense qu’elle lui porta. Elle décida que Jésus ne mourrait pas. L’amour chez ces âmes passionnées fut vraiment plus fort que la mort[3], et, comme le propre de la passion est d’être communicative, d’allumer à la manière d’un flambeau un sentiment qui

  1. I Thess., iv, 12 et suiv. ; I Cor., xv entier ; Apoc., xx-xxii.
  2. Matth., xvi, 21 et suiv. ; Marc, viii, 31 et suiv.
  3. Josèphe, Ant., XVIII, iii, 3.