Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/107

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une foule de Romains, Paulus pouvait être fort crédule ; peut-être les prestiges auxquels il nous est malheureusement interdit de douter que Paul et Barnabé eurent plus d’une fois recours[1] lui parurent-ils très-frappants et plus forts que ceux de Barjésu. Mais, de ce sentiment d’étonnement à une conversion, il y a bien loin. La légende semble avoir prêté à Sergius Paulus les raisonnements d’un Juif ou d’un Syrien. Le Juif et le Syrien regardaient le miracle comme la preuve d’une doctrine prêchée par le thaumaturge. Le Romain, s’il était instruit, regardait le miracle comme une duperie dont il pouvait s’amuser ; s’il était crédule et ignorant, comme une de ces choses qui arrivent de temps en temps. Mais le miracle pour lui ne prouvait aucune doctrine ; profondément dénués du sentiment théologique, les Romains n’imaginaient pas qu’un dogme pût être le but qu’un dieu se propose en faisant un prodige[2]. Le prodige était pour eux ou une chose bizarre, bien que naturelle (l’idée des lois de la nature leur était étrangère, à moins qu’ils n’eussent étudié la philosophie grecque), ou un acte décelant la présence immédiate de la Divinité[3]. Si Sergius Paulus a cru

  1. Comp. Rom., xv, 19 ; Il Cor., xii, 12.
  2. Voir Valère Maxime, livre I entier.
  3. Voir ci-dessous l’aventure de Lystres, et Act., xxviii, 6.