Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/287

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les uns se mirent à plaisanter, les plus polis dirent : « Nous t’écouterons là-dessus une autre fois. »

Si le discours que nous venons de rapporter a été réellement prononcé, il dut causer en effet une impression bien singulière sur les esprits cultivés qui l’entendirent. Cette langue tantôt barbare, incorrecte, sans construction, tantôt pleine de justesse ; cette éloquence inégale, semée de traits heureux et de chutes désagréables ; cette philosophie profonde aboutissant aux croyances les plus étranges, durent sembler d’un autre monde. Immensément supérieure à la religion populaire de la Grèce, une telle doctrine restait en bien des choses au-dessous de la philosophie courante du siècle. Si, d’un côté, elle tendait la main à cette philosophie par la haute notion de la Divinité et la belle théorie qu’elle proclamait de l’unité morale de l’espèce humaine[1], de l’autre, elle enfermait une part de croyances surnaturelles qu’aucun esprit positif ne pouvait admettre. En tout cas, il n’est pas surprenant qu’elle n’ait eu aucun succès à Athènes. Les motifs qui devaient faire le succès du christianisme étaient ailleurs que dans des cercles de lettrés. Ils étaient

  1. Comparez Sénèque, Epist., xcv, 51 et suiv. ; De beneficiis, IV, 19 ; Dion Chrysostome, orat. xii, p. 231-232 (édit. Emperius) ; Porphyre, Ad Marcellam, ch. 11, 18.