Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/293

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de lui. Là est le secret de cette gaieté divine des poëmes homériques et de Platon : le récit de la mort de Socrate dans le Phédon montre à peine une teinte de tristesse. La vie, c’est donner sa fleur, puis son fruit ; quoi de plus ? Si, comme on peut le soutenir, la préoccupation de la mort est le trait le plus important du christianisme et du sentiment religieux moderne, la race grecque est la moins religieuse des races. C’est une race superficielle, prenant la vie comme une chose sans surnaturel ni arrière-plan. Une telle simplicité de conception tient en grande partie au climat, à la pureté de l’air, à l’étonnante joie qu’on respire, mais bien plus encore aux instincts de la race hellénique, adorablement idéaliste. Un rien, un arbre, une fleur, un lézard, une tortue, provoquant le souvenir de mille métamorphoses chantées par les poëtes ; un filet d’eau, un petit creux dans le rocher, qu’on qualifie d’antre des nymphes ; un puits avec une tasse sur la margelle, un pertuis de mer si étroit que les papillons le traversent et pourtant navigable aux plus grands vaisseaux, comme à Poros ; des orangers, des cyprès dont l’ombre s’étend sur la mer, un petit bois de pins au milieu des rochers, suffisent en Grèce pour produire le contentement qu’éveille la beauté. Se promener dans les jardins pendant la nuit, écouter les cigales, s’as-