Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/295

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

céder. Pour le Grec, en effet, la nature est une conseillère d’élégance, une maîtresse de droiture et de vertu ; la « concupiscence », cette idée que la nature nous induit à mal faire, est un non-sens pour lui. Le goût de la parure qui distingue le palicare, et qui se montre avec tant d’innocence dans la jeune Grecque, n’est pas la pompeuse vanité du barbare, la sotte prétention de la bourgeoise, bouffie de son ridicule orgueil de parvenue ; c’est le sentiment pur et fin de naïfs jouvenceaux, se sentant fils légitimes des vrais inventeurs de la beauté.

Une telle race, on le comprend, eût accueilli Jésus par un sourire. Il était une chose que ces enfants exquis ne pouvaient nous apprendre : le sérieux profond, l’honnêteté simple, le dévouement sans gloire, la bonté sans emphase. Socrate est un moraliste de premier ordre ; mais il n’a rien à faire dans l’histoire religieuse. Le Grec nous paraît toujours un peu sec et sans cœur : il a de l’esprit, du mouvement, de la subtilité ; il n’a rien de rêveur, de mélancolique. Nous autres, Celtes et Germains, la source de notre génie, c’est notre cœur. Au fond de nous est comme une fontaine de fées, une fontaine claire, verte et profonde, où se reflète l’infini. Chez le Grec, l’amour-propre, la vanité se mêlent à tout ; le sentiment vague lui est inconnu ; la réflexion sur sa