Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/296

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propre destinée lui paraît fade. Poussée à la caricature, une façon si incomplète d’entendre la vie donne, à l’époque romaine, le græculus esuriens, grammairien, artiste, charlatan, acrobate, médecin, amuseur du monde entier, fort analogue à l’Italien des xvie et xviie siècles ; à l’époque byzantine, le théologien sophiste faisant dégénérer la religion en subtiles disputes ; de nos jours, le Grec moderne, quelquefois vaniteux et ingrat, le papas orthodoxe, avec sa religion égoïste et matérielle. Malheur à qui s’arrête à cette décadence ! Honte à celui qui, devant le Parthénon, songe à remarquer un ridicule ! Il faut le reconnaître pourtant : la Grèce ne fut jamais sérieusement chrétienne ; elle ne l’est pas encore. Aucune race ne fut moins romantique, plus dénuée du sentiment chevaleresque de notre moyen âge. Platon bâtit toute sa théorie de la beauté en se passant de la femme. Penser à une femme pour s’exciter à faire de grandes choses ! un Grec eût été bien surpris d’un pareil langage ; il pensait, lui, aux hommes réunis sur l’agora, il pensait à la patrie. Sous ce rapport, les Latins étaient plus près de nous. La poésie grecque, incomparable dans les grands genres tels que l’épopée, la tragédie, la poésie lyrique désintéressée, n’avait pas, ce semble, la douce note élégiaque de Tibulle, de Virgile, de Lucrèce, note