Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/344

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circonstances du temps. L’épouvantable tragédie que Rome jouait en ce moment à la face du monde ne pouvait manquer d’exalter beaucoup les imaginations. Caligula, l’anti-dieu, le premier empereur qui voulut être adoré de son vivant, inspira probablement à Paul cette circonstance que ledit personnage s’élèverait au-dessus de tous les prétendus dieux, de toutes les idoles, et s’assoirait dans le temple de Jérusalem, cherchant à se faire passer pour Dieu lui-même[1]. L’Antechrist est ainsi conçu, en l’an 54, comme un continuateur de la folie sacrilège de Caligula. La réalité ne donnera que trop d’ouvertures pour expliquer de tels présages. Peu de mois après que Paul écrivait cette page étrange, Néron arrivait à l’empire. C’est en lui que plus tard la conscience chrétienne verra le monstre précurseur de la venue du Christ. Quelle est cette cause ou plutôt quel est ce personnage qui seul, en l’an 54, empêchait encore, selon saint Paul, les temps de l’Antechrist d’arriver ? C’est ce qui reste obscur. Il s’agit ici peut-être d’un secret mystérieux, non étranger à la politique, dont les fidèles parlaient entre eux, mais dont ils n’écrivaient pas, de peur de

  1. Voir les Apôtres, p. 193 et suiv. ; Philon, Legatio ad Caium, § 25 et suiv. ; Jos., Ant., XVIII, viii.