Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/350

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qu’on supposait bienveillants, entraient dans les assemblées[1]. Alors se passaient souvent des scènes étranges. Un ou plusieurs inspirés s’adressaient à l’intrus, lui parlaient avec des alternatives de rudesse et de douceur, lui révélaient des secrets intérieurs que lui seul croyait savoir, lui dévoilaient les péchés de sa vie passée. Le malheureux était étourdi, confondu. La honte de cette manifestation publique, le sentiment que dans cette assemblée il avait été vu en une sorte de nudité spirituelle, créait entre lui et les frères un lien profond, qu’on ne brisait plus[2]. Une sorte de confession était quelquefois le premier acte qu’on faisait en entrant dans la secte[3]. L’intimité, la tendresse que de tels exercices établissaient entre les frères et les sœurs étaient sans réserve ; tous formaient vraiment une seule personne. Il ne fallait pas moins qu’un parfait spiritualisme pour empêcher de telles relations d’aboutir à de choquants abus.

On conçoit l’immense attraction qu’une vie de cœur si active devait exercer au milieu d’une société

  1. I Cor., xiv, 23-24.
  2. I Cor., xiv, 24-25. Voir Jean, iii, 20 ; Vie de Jésus, p. 162. Comparez l’usage analogue qui exista dans le saint-simonisme et qui amena les scènes les plus frappantes. Œuvres de Saint-Simon et d’Enfantin, V (Paris, 1866), p. 152 et suiv.
  3. Act., xix, 18. Voir cependant ci-dessous, p. 348, note 4.