Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/364

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de lui-même ; il eut de la vogue quand son vrai période d’originalité et de jeunesse était passé. Mais il n’en avait pas moins mérité sa haute récompense : il l’avait méritée par ses trois siècles de vertu, par la somme incomparable de goût pour le bien qu’il avait inspirée. Quand on songe à ce miracle, nulle hyperbole sur l’excellence de Jésus ne paraît illégitime. C’était lui, toujours lui qui était l’inspirateur, le maître, le principe de vie dans son Église. Son rôle divin grandissait chaque année, et c’était justice. Ce n’était plus seulement un homme de Dieu, un grand prophète, un homme approuvé et autorisé de Dieu, un homme puissant en œuvres et en paroles ; ces expressions, qui suffisaient à la foi et à l’amour des disciples des premiers jours[1], passeraient maintenant pour bien faibles. Jésus est le Seigneur, le Christ, un personnage entièrement surhumain, non Dieu encore, mais bien près de l’être. On vit en lui, on meurt en lui, on ressuscite en lui ; presque tout ce qu’on dit de Dieu, on le dit de lui. Il est bien déjà une sorte d’hypostase divine, et, quand on voudra l’identifier à Dieu, ce ne sera qu’une affaire de vocabulaire, une simple « communication d’idiomes », comme disent les théologiens. Nous verrons que Paul

  1. Act., ii, 22.