Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/387

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La colère de Paul fut extrême. Qu’on se rappelle la portée rituelle du repas en commun ; refuser de manger avec une fraction de la communauté, c’était l’excommunier. Paul éclata en reproches[1], traita cette conduite d’hypocrisie, accusa Pierre et ses imitateurs de fausser la droite ligne de l’Évangile. L’Église devait s’assembler peu après ; les deux apôtres s’y rencontrèrent. En face, et devant toute l’assemblée, Paul apostropha violemment Pierre, et lui reprocha son inconséquence. « Quoi ! lui dit-il, toi qui es Juif, tu ne vis pas en juif[2] ; dans la pratique, tu te comportes en vrai païen, et tu veux nous forcer à judaïser !… » Alors, il développa sa théorie favorite du salut s’opérant par Jésus et non par la Loi, de l’abrogation de la Loi par Jésus. Il est probable que Pierre ne lui répondit pas. Au fond, il était de l’avis de Paul ; comme tous les hommes qui cherchent par d’innocents artifices à sortir d’une difficulté, il ne prétendait pas avoir eu raison ; il voulait seulement satisfaire les uns et ne pas aliéner les autres. De la

  1. Gal., ii, 11 et suiv. Cf. le Κήρυγμα Παύλου cité par l’anonyme auteur du De non iter. bapt., parmi les Observationes de Rigault, à la suite des Œuvres de saint Cyprien, p. 139.
  2. Comp. Gal., vi, 13. Dans la pensée de saint Paul, personne n’est capable d’observer toute la Loi ; même ceux qui y sont le plus strictement attachés y manquent.