Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/397

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apocryphe[1] ; mais nul doute que la légende ne se soit dans ce cas fondée à plusieurs égards sur le caractère réel du héros. La parole grave et un peu emphatique de Jacques[2], ses façons qui rappelaient un sage du vieux monde, un brahmane solennel ou un antique mobed, sa sainteté d’apparat et d’ostentation, en faisaient un personnage de montre pour le peuple, un saint homme officiel, et déjà une sorte de pape. Les judéo-chrétiens s’habituèrent peu à peu à croire qu’il avait été revêtu du sacerdoce juif[3], et, comme l’insigne du grand prêtre juif était le pétalon ou lame d’or sur le front[4], on l’en décora[5]. « Rempart du peuple », avec sa lame d’or, devint ainsi une espèce de bonze juif, un grand prêtre d’imitation à l’usage des judéo-chrétiens. On supposa que, comme le grand prêtre, il entrait, en vertu d’une permission spéciale, une fois par an dans

  1. Il exista sûrement une légende ébionite de saint Jacques, dont Hégésippe et saint Épiphane nous ont conservé la substance et des extraits.
  2. L’épître qu’on lui attribue a bien ce caractère.
  3. Épiph., hær. xxxix, 4 ; lxxviii, 13.
  4. Exode, xxxix, 6.
  5. Épiph., hær. xxix, 4 ; lxxviii, 14. Jean, devenu après la mort des autres apôtres le grand prêtre des judéo-chrétiens, fut décoré du même insigne. Polycrate, dans Eusèbe, H. E., III, 31 ; V, 24 ; passage qui empêche de regarder ce que dit Épiphane du πέταλον de Jacques comme une pure fable judéo-chrétienne.