Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/506

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décisive à l’humanité, quand il s’agit de ces dogmes sacrés où elle met, non sans raison, sa consolation et sa joie. Il nous est facile de trouver après coup que ces espérances étaient exagérées ; il est heureux du moins que ceux qui les ont partagées n’aient pas été si clairvoyants. Paul nous dit naïvement que, s’il n’avait pas compté sur la résurrection, il eût mené la vie d’un bourgeois paisible, tout occupé de ses vulgaires plaisirs[1]. Quelques sages de premier ordre, Marc-Aurèle, Spinoza, par exemple, ont été plus loin, et ont pratiqué la plus haute vertu sans espoir de rémunération. Mais la foule n’est jamais héroïque. Il a fallu une génération d’hommes persuadés qu’ils ne mourraient pas, il a fallu l’attrait d’une immense récompense immédiate pour tirer de l’homme cette somme énorme de dévouement et de sacrifice qui a fondé le christianisme. La grande chimère du prochain royaume de Dieu a été de la sorte l’idée mère et créatrice de la religion nouvelle. Nous assisterons bientôt aux transformations que la nécessité des choses fera subir à cette croyance. Vers les années 54-58, elle avait atteint son plus haut degré d’intensité. Toutes les lettres de Paul écrites vers ce temps en sont pour ainsi dire

  1. I Cor., xv, 30-32.