Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/539

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

S’armant de l’accusation de folie que ses adversaires élevaient contre lui, il accepte pour un moment ce rôle qu’on lui prête, et, sous le masque d’une ironie oratoire, il fait le fou pour lancer à la face de ses adversaires les plus hardies vérités[1].

« Je suis fou, c’est convenu ; eh bien, supportez un moment ma folie. Vous êtes des sages, cela doit vous rendre indulgents pour les fous. Et puis, vous montrez tant de tolérance pour des gens qui vous mettent en servitude, qui vous mangent, qui soutirent votre argent, et qui, après cela, tout bouffis d’orgueil, vous frappent au visage. Allons, puisqu’il est de mode de chanter sa propre gloire, chantons la nôtre. Tout ce qu’ils peuvent dire en ce genre de folie, je le peux dire comme eux. Ils sont Hébreux ; moi aussi, je le suis. Ils sont Israélites ; moi aussi, je le suis. Ils sont de la race d’Abraham ; moi aussi, j’en suis. Ils sont ministres de Christ (ah ! pour le coup, je vais parler en insensé !), je suis bien plus. Plus qu’eux j’ai accompli de travaux ; plus qu’eux j’ai été en prison ; plus qu’eux j’ai subi de coups ; plus souvent qu’eux j’ai affronté la mort. Les juifs m’ont appliqué cinq fois leurs trente-neuf coups de fouet ; trois fois j’ai été bâtonné ; une fois j’ai été lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage ; j’ai passé un jour et une nuit dans la mer. Voyages sans nombre, dangers au passage des fleuves, dangers des voleurs, dangers de la part des

  1. II Cor., xi, 1 et suiv. Une traduction littérale de ce morceau serait inintelligible. On a cherché à en rendre exactement la pensée et le mouvement.