Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/560

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi, ajoute Paul, je suis certain que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les Puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les forces d’en haut ni les forces d’en bas, ni rien au monde, ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ Jésus, notre Seigneur[1]. »

On voit à quelle rupture complète avec le judaïsme le christianisme est arrivé entre les mains de Paul. Jésus n’avait pas été aussi loin. Certes, Jésus avait hautement proclamé que le règne de la Loi était fini, qu’il ne restait plus debout que le culte en esprit et en vérité du Dieu-Père. Mais, chez Jésus, la poésie, le sentiment, l’image, le style sont essentiellement juifs. Il relève en droite ligne d’Isaïe, des psalmistes, des prophètes du temps de la captivité, de l’auteur du Cantique des cantiques et parfois de l’auteur de l’Ecclésiaste. Paul ne relève que de Jésus, de Jésus non tel qu’il fut sur le bord du lac de Génésareth, mais de Jésus tel qu’il le conçoit, tel qu’il l’a vu dans sa vision intérieure. Pour ses anciens coreligionnaires, il n’a que de la pitié. Le chrétien « parfait », le chrétien « éclairé » est à ses yeux celui qui sait la vanité de la Loi, son inutilité, la frivolité des pratiques pieuses[2]. Paul voudrait être anathème pour ses frères en Israël ; c’est pour lui une grande tris-

  1. Rom., viii, 28-39.
  2. Rom., xiv, 15 ; I Cor., ix, 22 ; Phil., iii, 15 et suiv.