Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/568

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ce qui lui fit écrire cette page également singulière de la part d’un juif et de la part d’un chrétien. On y voit percer, du reste, avec une rare naïveté ce qu’il y avait dans l’essence même du christianisme naissant de dangereux pour la politique. La théorie du droit divin de tout pouvoir établi est nettement posée. Néron a été proclamé par saint Paul un ministre, un officier de Dieu, un représentant de l’autorité divine ! Le chrétien, quand il pourra librement pratiquer sa religion, sera un sujet aveugle, nullement un citoyen. Je n’entends exprimer ici aucun blâme ; on ne fait jamais éminemment deux choses à la fois ; la politique n’est pas tout, et la gloire du christianisme est justement d’avoir créé en dehors d’elle tout un monde. Mais voyez à quoi on s’expose avec les théories absolues ! « Le fonctionnaire de Dieu », dont tous les hommes honnêtes doivent rechercher l’approbation, dont le glaive n’est redoutable qu’aux méchants, deviendra dans quelques années la Bête de l’Apocalypse, l’Antéchrist, le persécuteur des saints.

La situation étrange des esprits, la persuasion où l’on était que la fin du monde allait venir, expliquent, du reste, cette hautaine indifférence :

« L’heure est venue de nous réveiller du sommeil. Le