Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/577

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L’œuvre légale devient une recette, dont le succès dépend d’une exécution ponctuelle. Ici encore, le talmudisme et le catholicisme se sont rencontrés. Le désespoir des dévots juifs du temps de Jésus et de saint Paul était la crainte de ne pas bien observer toute la Loi, l’appréhension de n’être pas en règle[1]. Il était reçu que le plus saint homme pèche, qu’il est impossible de ne pas prévariquer. On en venait presque à regretter que Dieu eût donné la Loi, puisqu’elle ne servait qu’à amener des contraventions[2] ; on avouait cette pensée singulière, que Dieu avait bien pu n’établir toutes ces prescriptions que pour faire pécher et constituer tout le monde pécheur. Jésus, dans la pensée de ses disciples, vint rendre aisée l’entrée de ce royaume de Dieu que les pharisiens avaient rendue si difficile, élargir la porte du judaïsme qu’on avait si fort rétrécie. Paul, du moins, n’imagine pas d’autre manière de supprimer le péché que de supprimer la Loi. Son raisonnement a quelque chose de celui des probabilistes : multiplier les obligations, c’est multiplier les délits ; délier les consciences, les rendre aussi larges que possible, c’est

  1. Le Talmud est l’expression de ces scrupules sans fin.
  2. Voir Vie de Jésus, p. 350-351 ; ci-dessus, p. 465 et suiv. ci-dessous, t. IV, quand il sera question de l’Épître aux Colossiens. Comp. Pseudo-Héraclite, viie lettre, lignes 87-89 (Bernays).