Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/127

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récits, comme celui de la Cène, de la Passion et de la Résurrection, étaient sus par cœur, en des termes qui n’admettaient que peu de variantes[1]. Le plan des Évangiles synoptiques était déjà probablement arrêté[2] ; mais, tandis que les apôtres vivaient, des livres qui eussent prétendu fixer la tradition dont ils se croyaient les seuls dépositaires n’auraient eu aucune chance de se faire accepter[3]. Pourquoi, d’ailleurs, écrire la vie de Jésus ? Il va revenir. Un monde à la veille de finir n’a pas besoin de livres nouveaux. C’est quand les témoins seront morts qu’il sera capital de rendre durable par l’écriture une image qui va s’effaçant chaque jour[4]. À cet égard, les Églises de Judée et des pays voisins avaient une grande supériorité. La connaissance des discours de Jésus y était bien plus exacte et plus étendue qu’ailleurs.

  1. I Cor., xi, 23 et suiv. Notez la ressemblance du récit de la Passion dans le quatrième Évangile et dans les synoptiques.
  2. Il est bien remarquable que la légende de la vie souterraine de Jésus n’entre pas dans ce plan. Or la légende de la vie souterraine se forma vers l’an 60.
  3. Irénée, Adv. hær., III, 1, veut que Marc n’ait écrit qu’après la mort de Pierre.
  4. L’Église saint-simonienne présente de nos jours un phénomène du même ordre. La mort d’Enfantin a été le signal d’ouvrages sur Saint-Simon et les origines de la secte ; de son vivant, Enfantin n’eût pas souffert de tels écrits, qui eussent été une diminution de son importance.