Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/19

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ceux de leurs adversaires envers qui, à une autre époque, ils avaient été le plus durs. Ces hommes, envisagés à notre point de vue, étaient susceptibles, personnels, irritables, mobiles ; ce qui fait la fixité des opinions, la science, le rationalisme, leur était étranger. Ils avaient entre eux, comme les juifs de tous les temps, des brouilles violentes, et néanmoins ils faisaient un corps très-solide. Pour les comprendre, il faut se placer bien loin du pédantisme inhérent à toute scolastique ; il faut étudier plutôt les petites coteries d’un monde pieux, les congrégations anglaises et américaines, et principalement ce qui s’est passé lors de la fondation de tous les ordres religieux. Sous ce rapport, les facultés de théologie des universités allemandes, qui seules pouvaient fournir la somme de travail nécessaire pour débrouiller le chaos des documents relatifs à ces curieuses origines, sont le lieu du monde où il était le plus difficile qu’on en fît la vraie histoire. Car l’histoire, c’est l’analyse d’une vie qui se développe, d’un germe qui s’épanouit, et la théologie, c’est l’inverse de la vie. Uniquement attentif à ce qui confirme ou infirme ses dogmes, le théologien, même le plus libéral, est toujours, sans y penser, un apologiste ; il vise à défendre ou à réfuter. L’historien, lui, ne vise qu’à raconter. Des faits matériellement faux,