Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mit plus d’autre gloire que celle de l’art ; une nouvelle vie se révélait à lui ; l’empereur s’oublia ; nier son talent fut le crime d’État par excellence ; les ennemis de Rome furent ceux qui ne l’admiraient pas.

Son affectation d’être en tout le chef de la mode était sûrement ridicule. Cependant il faut dire qu’il y avait en cela plus de politique qu’on ne pense. Le premier devoir du césar (vu la bassesse des temps) était d’occuper le peuple. Le souverain était avant tout un grand organisateur de fêtes ; l’amuseur en chef devait être amené à payer de sa personne[1]. Beaucoup des énormités qu’on reprochait à Néron n’avaient toute leur gravité qu’au point de vue des mœurs romaines et de la sévère tenue à laquelle on avait été habitué jusque-là. Ce monde viril était révolté de voir l’empereur donner audience au sénat en robe de chambre brodée, passer des revues dans un négligé insupportable, sans ceinture, avec une sorte de foulard autour du cou, pour la conservation de sa voix[2]. Les vrais Romains s’indignaient avec raison de l’introduction des habitudes de l’Orient. Mais il était inévitable que la civilisation la plus vieille et la plus usée domptât par sa corruption la

  1. Voir les causes de mécontentement contre Galba : Suétone, Galba, 12, 13.
  2. Dion Cassius, LXXIII, 13, 20, 25 ; Suétone, Néron, 51.