Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/205

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plus jeune. Déjà Cléopâtre[1] et Antoine avaient rêvé un empire oriental. On suggérait à Néron lui-même une royauté du même genre[2] ; réduit aux abois, il songera à demander la préfecture de l’Égypte. D’Auguste à Constantin, chaque année représente un progrès dans les conquêtes de la partie de l’empire qui parlait grec sur la partie qui parlait latin.

Il faut se rappeler, d’ailleurs, que la folie était dans l’air. Si l’on excepte l’excellent noyau de société aristocratique qui arrivera au pouvoir avec Nerva et Trajan, un manque général de sérieux faisait que les hommes les plus considérables jouaient en quelque sorte avec la vie. Le personnage qui représentait et résumait le temps, « l’honnête homme » de ce règne de l’immoralité transcendante, c’était Pétrone[3]. Il donnait le jour au sommeil, la nuit aux affaires et aux amusements. Il n’était point de ces dissipateurs qui se ruinent en débauches grossières ; c’était un voluptueux profondément versé dans la science du plaisir. L’aisance naturelle et l’abandon de ses discours et de ses actions lui donnaient un air de simplicité qui charmait. Pendant qu’il fut proconsul en Bithynie et plus tard consul, il se montra capable

  1. Horace, Odes, I, xxxvii.
  2. Suétone, Néron, 40 ; Tacite, Ann., XV, 36.
  3. Tacite, Ann., XVI, 18-20.