Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/214

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C’était là une légende, fruit du temps et des exagérations successives ; mais un point sur lequel l’opinion universelle se prononça tout d’abord, ce fut que l’incendie avait été ordonné par Néron, ou du moins ravivé par lui quand il allait s’éteindre[1]. On crut reconnaître des personnes de sa maison l’allumant de divers côtés. En certains endroits, le feu fut

    légende naît d’ordinaire d’un mot juste, d’un sentiment vrai, transformé en réalité au moyen de violences faites au temps et à l’espace, on aura rapporté le chant des Troica aux jours de la catastrophe. L’anecdote offrait une difficulté capitale à ceux qui, comme Tacite, savaient qu’au début de l’incendie Néron était à Antium ; pour rendre leur récit moins inconsistant, ils supposèrent que Néron avait chanté son élégie « sur une scène domestique ». Ceux qui ne savaient pas que Néron se trouva pendant la plus grande partie de l’incendie à Antium transportèrent l’historiette à Rome, où chacun choisit pour la placer le point le plus théâtral. La prétendue Torre di Nerone qu’on montre aujourd’hui est du moyen âge.

  1. Suétone (38), Dion Cassius (LXXII, 16) et Pline l’Ancien, Hist. nat., XVII, i (1), le disent positivement. Tacite (Ann., XV, 38) ne se prononce pas. Plus loin cependant (XV, 67), « l’incendie » est reproché à Néron comme un crime notoire. Dans ses derniers jours, Néron voulut encore brûler Rome. Suétone, Néron, 43. Certes, il faut faire dans de pareils bruits la part des bavardages populaires et de la malveillance. Ce qu’il y a de grave contre Néron, c’est qu’il est difficile d’admettre que la propagation d’un incendie aussi extraordinaire se soit faite sans qu’on y ait aidé, dans une ville comme Rome, bâtie en pierre pour la plus grande partie. L’inscription Orelli, no 736, prouve bien le caractère exceptionnel de l’incendie. Les incendies sous Titus et sous Commode, quoique très-considérables, restèrent bien au-dessous de celui-ci.