Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/221

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quelconque du crime dont on les accusait ; disons seulement que bien des indices purent égarer l’opinion. Cet incendie, ils ne l’avaient pas allumé, mais sûrement ils s’en réjouirent[1]. Les chrétiens désiraient la fin de la société et la prédisaient. Dans l’Apocalypse, ce sont les prières secrètes des saints qui brûlent la terre, la font trembler[2]. Pendant le désastre, l’attitude des fidèles dut paraître équivoque ; quelques-uns sans doute manquèrent de témoigner du respect et du regret devant les temples consumés, ou même ne cachèrent pas une certaine satisfaction. On conçoit tel conventicule au fond du Transtévère, où l’on se soit dit : « N’est-ce pas là ce que nous prédisions ? » Souvent il est dangereux de s’être montré trop prophète. « Si nous voulions nous venger, dit Tertullien, une seule nuit, quelques flambeaux suffiraient[3]. » L’accusation d’incendie était élevée fréquemment contre les juifs, à cause de leur vie à part[4]. Le même crime était un de ces flagitia cohærentia nomini[5] qui faisaient partie de la définition d’un chrétien.

  1. Apoc., xviii.
  2. Apoc., viii, 35.
  3. Tertullien, Apol., 37.
  4. Les Juifs, en 67, furent accusés d’avoir voulu brûler Antioche. Jos., B. J., VII, iii, 2-4.
  5. Pline, Epist., X, 97.